Marc Sanchez / Une histoire de famille


> Épisode 5 : de 1941 à 1945


1941

11 janvier : Décès de Marie Calvet, épouse Herrera, à Oran, à l’âge de 30 ans. Marie était la grande sœur de Thérèse Calvet. Marie la maman de Christiane Herrera et élevait seule son enfant depuis que son mari l'avait abandonnée, sept années auparavant. Christiane sera recueillie par Maria Baños Canovas, la Grand Mémé et mère de Thérèse. Marie Calvet est enterrée au cimetière d’Oran.

La chronique familiale raconte que Marie serait décédée des suites malheureuses d'une interruption volontaire de grossesse. A l'époque, cette pratique, la plupart du temps réalisée de façon artisanale et domestique, était du plus haut danger et nombreux étaient les avortements qui connaissaient une issue tragique. En plus d'être très risqué, l'avortement - tout comme d'ailleurs la contraception à laquelle il était alors assimilé - était sévèrement réprimé par la loi car strictement interdit. Avec le Régime de Vichy, à partir de 1942, l'avortement est d'ailleurs déclaré « crime contre la Sureté de l'État » et passible de la peine de mort !

> Article : Interdiction de la contraception et de l'avortement

14 janvier : Arrivée d'Albert Camus à Oran. Accompagné de Francine Faure qu'il vient d'épouser le 3 décembre 1940 et qui est originaire d'Oran, Camus arrive de France et le couple s'installe au 67 rue d'Arzew à Oran. L'appartement confortable de quatre pièces, qui lui est prété par sa belle-soeur Christiane Faure, se trouve au premier étage d'un bel immeuble situé sur la grande artère commerciale et passante d'Oran.
Camus est alors un jeune journaliste de 27 ans, au chomage et en recherche d'emploi et il a déjà publié quelques ouvrages aux tirages confidentiels (L'Envers et l'Endroit, Noces) chez son éditeur d'Alger, Edmond Charlot.
C'est juste en face de l'appartement occupé par Camus que, quelques années plus tard, la famille Sanchez installera son nouveau magasin « Le Bottier Modèle », au 54 de la rue d'Arzew !

Septembre : Démobilisation de Marcel Sanchez et de Dominique Barbarisi qui, après quatre années passées dans l’armée, reviennent dans leurs familles à Oran.
« Leur retour en famille fut inoubliable, écrit Armand dans ses « Mémoires d’un Pied-Noir », et tous rayonnaient du plaisir de les voir à nouveau sains et saufs. Ils étaient habillés en militaires, la tenue des zouaves, avec leurs bandes molletières aux jambes, leurs ceintures rouges et ceinturons de cuir par-dessus et, sur la tête, la traditionnelle chéchia rouge. Nous les trouvions bien amaigris et changés avec leur peau tannée par le soleil brûlant, mais enfin parmi nous en famille. »

Octobre : Marcel Sanchez, qui vient d’avoir 26 ans, reprend le travail à l’atelier aux côtés de son père et d’Armand qui à 17 ans. La décision est prise d’améliorer l’agencement du magasin « Le Bottier modèle ». C’est le début d’une période de prospérité pour la famille qui, avec parfois des hauts et des bas, s’étendra sur près de vingt années, jusqu’à la fin de la guerre d’Algérie et l’exode des Pieds Noirs.
« En cette période, la grande majorité des articles chaussants étaient fabriqués en socle de bois qui représentait une gamme allant des talons compensés au style Louis XV, talon par conséquent très haut et bien prononcé, jusqu’aux sandales plates. Le dessus du modèle proprement dit, étant donné la pénurie de cuir, était en toile aux couleurs bien assorties et aux modèles diversifiés. Ces articles se vendaient comme des petits pains ! Les séries, sitôt terminées, partaient aussitôt. N’ayant pas abandonné la chaussure sur mesures, nous lui conservions même toujours la primeur, ce qui nous amena de nouveaux clients et une réputation sur la place assez enviable. Nous fournissions les villes de Mostaganem, Sidi Bel Abbès, Aïn Témouchent, Tlemcen et jusqu’à 100 kilomètres de la ville d’Oran dans le département.
Il va sans dire que nous travaillâmes tous comme des forcenés. Il fallut également nous agrandir en acquérant le local en façade sur rue attenant au magasin afin d’y installer l’atelier de fabrication. Nous fûmes obligés d’embaucher huit ouvriers, uniquement au montage et aux finitions qui, toujours, se confectionnaient entièrement à la main, « notre spécialité », qui procura à notre magasin, « Le Bottier Modèle », une grande renommée à la ronde ! » Armand Sanchez, « Mémoires d’un Pied-Noir ».

4 octobre : Ouverture de la galerie Colline, située au 3 boulevard Gallieni à Oran. Le nom est un hommage à un roman de Jean Giono. La première exposition est consacrée à Jean Launois, artiste français qui décèdera à Alger, le 27 novembre 1942, à l'âge de 44 ans. L'exposition est préfacée par Albert Camus qui est présent à l'inauguration. La galerie, tenue par Robert Martin et son épouse Manette Chaperon, sera un véritable carrefour de la vie artistique de la ville jusqu'à sa fermeture, en 1962.

> Article Wikipedia : Robert Martin, la galerie Colline

8 décembre : En réponse au bombardement de Pearl Harbour, les États-Unis déclarent la guerre au Japon et entrent dans la seconde guerre mondiale. Ils vont bientôt débarquer en Algérie, à la grande satisfaction des Pieds-Noirs !


1942

Sans date : La famille Sanchez décide de déménager et de s’installer dans un appartement plus grand situé dans le même immeuble que le magasin, rue du Fondouk. Le précédent appartement était de plus en plus insalubre et humide et cette décision améliore grandement la qualité de vie au quotidien.
« Mon père le meubla par l’acquisition, en salle des ventes, d’une chambre à coucher, d’une salle à manger et d’une autre chambre à coucher pour mon frère et moi. C’est là que j’ai pu avoir un poste de TSF avec pick-up (tourne-disques), le premier de mon existence et nous aimions écouter les informations et mettre des disques et cela, j’avoue, m’émerveilla. Ce confort était inhabituel car, auparavant, nous n’avions que des sommiers et matelas tous simples, une table, un buffet de cuisine, des chaises, le tout des plus modestes et humbles. » Armand Sanchez, « Mémoires d’un Pied-Noir ».

Sans date : Dans la petite entreprise familiale, les affaires marchent bien et Rogelio décide d’acheter une villa au bord de la mer. C’est le « cabanon », qui se trouve à Bou-Sfer Plage, à 25 kilomètres d’Oran et à quelques kilomètres du village de Bou-Sfer. Il deviendra très vite le lieu de rassemblement de toute la famille pendant les périodes de vacances.

« Le cabanon se composait de quatre pièces et cuisine avec puit (que l’on tirait à la corde), un grand hall, une véranda immense, le tout recouvert d’un toit ondulé. À l’arrière se trouvait un terre-plein avec une baraque en bois qui pouvait servir de garage à une voiture. Le propriétaire nous céda aussi une barque avec moteur marin pour un vil prix, de même que l’embarcadère en location qui était constitué de quatre piliers avec palan. Je ne puis décrire ni définir notre joie immense et profonde en ces instants lorsque nous sûmes que ce cabanon était bien à nous car mon père, vu nos sacrifices au travail, prit la décision de le mettre à nos noms, à mon frère et moi pour, en sorte, préserver notre avenir. » Armand Sanchez, « Mémoires d’un Pied-Noir ».
La pendaison de crémaillère du cabanon a lieu un dimanche et réunit toute la famille qui fait le voyage d’Oran à Bou-Sfer en car. Pour l’occasion, Dolorès et Madeleine cuisinent une grande paëlla de fête, puis les hommes jouent au billard à trois boules, celui qui trône au milieu du salon. Mais, avant cela, dès leur arrivée le matin, ils décident d’aller pêcher en mer en utilisant leur toute nouvelle barque à moteur. À peine une heure après leur sortie, ils sont surpris par une tempête violente et imprévue dont ils se tireront avec difficultés et ce grâce à la réaction rapide de Rogelio !
Armand raconte : « Le lendemain, dans les journaux, nous sûmes que bien des barques furent en difficulté et qu’il y avait même des disparus, noyés par la tempête qui était d’une force jamais égalée, nourrie d’un vent effroyable. On réalisa alors qu’on l’avait échappé belle et cela grâce à l’instinct et à l’intuition du vieux pécheur qu’était mon père. »

6 août : Albert Camus quitte Oran. Sa santé est mauvaise depuis sa rechute de février 1942 qui l'oblige à garder longtemps le lit et l'empèche de travailler. Il s'était installé à Oran, avec Francine son épouse, en janvier 1941, au 67 de la rue d'Arzew. Il y sera donc resté vingt mois au cours desquel il a magré tout beaucoup écrit. « Le Mythe de Sisyphe » y a été achevé, il a écrit plusieurs articles, poursuivi la rédaction des « Carnets », collaboré avec les Éditions Charlot où il dirige la collection « Poésie et Théâtre » et publié « Le Romancero gitan » de Federico Garcia Lorca. C'est également pendant cette période que « L'Étranger » est publié chez Gallimard, en juin 1942, et Camus doit se défendre contre ceux qui n'apprécient pas le texte.
En juillet, il part se reposer quinze jours chez des amis dans leur ferme d'Aïn-el-Turck, près du Cap Falcon, et attend un sauf-conduit pour aller se soigner en France. Le séjour à Oran aura été difficile et pénible dans cette ville qui connait les rigueurs économiques de la guerre, dans laquelle il est malade et où le climat politique local est fortement allié à la droite pétainiste et antisémite.Ses amis juifs en seront victimes et on comprend alors pourquoi les premières lignes de « La Peste » seront écrites à Oran, dès le mois d'avril 1941.

> Article : La publication de l'Étranger

> Article : La publication de La Peste

Automne : Thérèse Rodriguez, est à nouveau très élégante, cette fois à l’occasion de la communion solennelle de son fils Jean-Jacques qui a 11 ans. Tous deux sont photographiés par le Studio Max, qui se trouve au 21 rue d’Arzew à Oran. C’est dans cette même rue que, quelques années plus tard, s’installera le magasin « Le Bottier Modèle »…

8 novembre : Débarquement américain et anglais en Afrique du Nord, c’est l’Opération Torch, menée conjointement et secrètement à Casablanca, Alger et Oran. Elle permettra d’obtenir des bases pour un futur débarquement sur les côtes européennes. Casablanca résiste et il y eut 1400 morts du côté français. Par contre, la prise d'Alger par les anglais se fait en un jour grâce à la Résistance française et, à Oran, les généraux du régime de Vichy tentent de combattre et accueillent les américains par quelques coups de canon qui restent sans effet. Ce débarquement marque le tournant de la Seconde Guerre mondiale sur le front occidental car toute l’Afrique du Nord passe sous contrôle anglo-américain, tout en conservant l’administration et les lois de Vichy.

> Article : « Le Débarquement en Afrique du Nord »

Armand, qui a 18 ans, est dans les rues d’Oran pour suivre l’événement qu’il raconte dans ses « Mémoires d’un Pied-Noir » : « Je me souviens exactement du déroulement des opérations car j’étais déjà jeune homme. Toute la population se trouvait dans les rues de la ville pour accueillir les libérateurs qui entrèrent par l’est de la ville. Les chars furent les premiers à pénétrer, et ils étaient fort nombreux. Face au Cercle Militaire où se trouvait le QG allemand, il y eut des tirs assez conséquents de la part des chars dont les murs gardent les impacts encore visibles, mais la résistance fut vite maitrisée. Des camions, des Dodges, des Jeeps, remplis de militaires en tenue de combat, armés au maximum. Nous fûmes surpris de la légèreté de leur tenue militaire, avec des chaussures bottines sans clous, ce qui changeait des godillots lourds à porter de l’armée française et des sacs à dos chargés comme des baudets. Les américains étaient acclamés avec délire par la foule et la DCA fut installée sur le Boulevard du Front de Mer, en de nombreux points. Le couvre-feu fut instauré, avec camouflages des lumières dans les appartements et beaucoup peignirent leurs vitres de fenêtres en bleu foncé ; la défense passive, dont mon père faisait partie, veillait à ce que les consignes soient respectées. »



1943

10 février : Ferhat Abbas rédige le "Manifeste du Peuple Algérien", texte dans lequel est demandée l'application du principe d'autodétermination et qui réclame la constitution d'un État algérien autonome. Ferhat Abbas est un homme politique algérien engagé, il est également pharmacien à Sétif.
Le 17 janvier 1943, se réunissent à Alger, chez l'avocat Ahmed Boumendjel, des représentants du PPA (xxx), des membres de l'association des Oulémas, le président de l'association des étudiants musulmans, des personnes privées et plusieurs élus musulmans, dont Ferhat Abbas. A l'issue de cette réunion, il est chargé d'écrire le texte du manifeste. Il le rédige à Sétif, dans une pièce située au dessus de sa pharmacie. Le manifeste est signé par 58 personnes.

> Article Wikipedia : Le manifeste du peuple algérien

> Article Wikipedia : Ferhat Abbas

Sans date : Marcel Sanchez est mobilisé à nouveau mais, cette fois, il reste cantonné à Oran. Son absence pèse encore une fois sur le fonctionnement de l’atelier qui connait des hauts et des bas, en fonction de la situation générale.

Sans date : La vie à Oran se déroule au rythme de la présence américaine. De nombreuses habitudes sont bouleversées et transformées par l’apparition d’objets et de comportements nouveaux. L’économie est vivifiée et s’installe alors une nouvelle « paix » faite d’un sentiment de protection, dans ce pays pourtant toujours en guerre, et nourrie de l’exotisme et de la modernité américaine qui fascine tout le monde.
« C’est là que l’on connut les flocons de pommes de terre, les œufs en poudre, le lait granulé, les fromages dont nous nous régalions, les chocolats dont nous avions longtemps été privés, le pain blanc comme le lait que les américains distribuaient à profusion. Cela donna lieu à tout un petit commerce de produits « Yankee » pour nos concitoyens débrouillards qui apprirent même à parler anglais. Cela provoqua une recrudescence du commerce intérieur et local, à notre grande satisfaction générale. » Armand Sanchez, « Mémoires d’un Pied-Noir ».

19 mai : Bombardement du port d’Oran par les allemands pendant la nuit.
« Le 19 mai 1942, la ville d'Oran est bombardée par l'aviation allemande entre 22 heures et 22 heures 30. La formation d'attaque comprenait 52 bombardiers, dont 43 de la classe Junker 88 et 9 de la classe Heinkel 111, qui avaient décollé quatre heures auparavant de leurs bases en Sardaigne. Les dégâts sont surtout matériels, une partie du port est en flammes. La censure interdit aux journaux locaux de publier le bilan des pertes humaines. » (Wikipédia).
« Désormais, nous vivions dans ce climat fait d’incertitude angoissante et, lorsque les bombes tombaient, nous assistions à des scènes de désespoir. Un soir, je me souviens, ce fut l’apothéose, l’alerte fut chaude, il y eut même des avions ennemis abattus. Cette alerte dura trois bonnes heures et, lorsque les sirènes mugirent, les bombes sifflaient déjà sur nos têtes et devaient certainement tomber aux alentours du port où elles furent nombreuses. Miraculeusement, les citernes de carburants ne furent pas atteintes, des précautions avaient été prises à ce sujet et toutes étaient recouvertes d’un camouflage judicieux, initiative que prit l’armée américaine. » Armand Sanchez, « Mémoires d’un Pied-Noir ».

Sans date : La Grand Mémé, décide de venir « enlever » ses deux petites filles, Arlette et Christiane, des mains de leur beau-père, Robert Laurent, le deuxième mari de leur maman. En effet, Arlette raconte que cela se passait très mal entre lui et les deux petites filles. Robert Laurent avait, semble-t-il, un comportement violent avec elles, « il plantait son couteau pointu dans le bois de la table devant nous pour nous obliger à manger et nous étions terrorisées ! », se souvient Arlette. « Un jour, il a écrasé ma petite tortue toute vivante avec ses pieds car il ne l'aimait pas ! C'était horrible ! C'est un de mes plus douloureux souvenirs d'enfance », ajoute Arlette.
Un jour, la Grand Mémé, avec la complicité de sa fille Thérèse, vient donc chercher ses deux petites filles et c'est en secret qu'elle les emmène à Oran en train. Mais leur beau-père et sa mère travaillent à la gare de Tizi-Ouzou et il ne faut pas se faire voir ! Les deux enfants se cachent alors sous la banquette du compartiment de leur grand-mère et toutes trois réussissent ainsi à quitter Tizi-Ouzou et la maison de leur méchant beau-père !

Sans date : Certainement peu après l'événement précédent, Thérèse décide de quitter son mari, Robert Laurent. Elle revient à Oran avec son fils Jean-Jacques et s’installe chez sa mère, Maria Baños Canovas, chez qui se trouvent déjà ses deux filles, Arlette et Christiane. Henri, qui a 3 ans, reste à Tizi-Ouzou avec son père et il habitera pendant quatre années chez sa grand-mère paternelle, Fanny Augusta Nevières, avant de retrouver sa mère à Oran, en 1947, lorsqu'elle divorcera de Robert Laurent et obtiendra la garde d'Henri.


1944

Sans date : Armand Sanchez, est atteint de la fièvre typhoïde, des suites d’une grippe mal soignée faute de médicaments adaptés, à une époque où, dit-il, « on se soignait avec de l’aspirine, des grogs, des cataplasmes et des ventouses au dos ». Il est alité pendant plusieurs mois et c’est à ce moment qu’il est appelé sous les drapeaux.
« Je sortais tout juste de maladie qui dura trois mois et j’étais d’un aspect squelettique avec les cheveux coupés ras. Inutile de dire que je fus ajourné aussitôt car j’arrivais tout juste à me maintenir debout avec difficultés. Six mois après, nouvel appel, et je n’étais guère mieux au niveau santé. Mais, cette fois-là, il me fut confirmé qu’étant considéré comme « soutien de famille » car mes parents étaient âgés, j’étais dispensé du service militaire et, de ce fait, exempté temporairement. Cela, il faut l’avouer, enleva un grand poids à ma pauvre mère qui déjà se désespérait de voir ses deux enfants à la guerre ensemble. » Armand Sanchez, « Mémoires d’un Pied-Noir ».

6 juin : Débarquement des Alliés en Normandie.

25 août : Libération de Paris ; en septembre, les alliés atteignent la frontière allemande. En décembre, la quasi-totalité de la France est libérée.


1945

8 mai : Fin de la seconde guerre mondiale. En Algérie, manifestations et répressions violentes à Sétif.
Le 8 mai 1945, le jour même de la victoire alliée sur le nazisme, de violentes émeutes éclatent à Sétif, en Algérie. Ce jour-là, certains musulmans d'Algérie ont espéré que serait enfin mis en application le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Parmi eux Messali Hadj, chef du PPA (Parti Populaire Algérien), interdit depuis 1939. Mais celui-ci a été mis en prison par les autorités françaises et 20 000 de ses partisans ont défilé, le 1er mai 1945 à Alger, en sa faveur.

Le matin du 8 mai, une nouvelle manifestation survient à Sétif aux cris de « Indépendance, libérez Messali ». Les militants du PPA ont la consigne de ne pas porter d'armes ni d'arborer le drapeau algérien mais un scout musulman n'en tient pas compte et brandit le drapeau au cœur des quartiers européens. La police se précipite. Le maire socialiste de la ville, un Européen, la supplie de ne pas tirer. Il est abattu de même que le scout. La foule, évaluée à 8 000 personnes, se déchaîne et 27 Européens sont tués dans d'atroces conditions. L'insurrection s'étend à des villes voisines, faisant en quelques jours 103 morts dans la population européenne.
La répression est d'une extrême brutalité. L'aviation elle-même est requise pour bombarder les zones insurgées. Après la bataille, les tribunaux ordonnent 28 exécutions et une soixantaine de longues incarcérations. Officiellement, les autorités françaises estiment que le drame aura fait 103 morts chez les Européens et 1 500 chez les musulmans. Les autorités algériennes parlent aujourd'hui de 45 000 morts. Les historiens évoquent quant à eux un nombre de morts qui serait compris entre 2 500 et 6 000.

Le drame passe inaperçu de l'opinion métropolitaine du fait de la capitulation de l'Allemagne, le même jour. Le journal l'Humanité ne l'évoque que pour insinuer que les émeutiers seraient des sympathisants nazis ! Pourtant, les émeutes de Sétif consacrent la rupture définitive entre les musulmans et les colons d'Algérie et annoncent la guerre d'indépendance à venir qui commencera, officiellement, neuf ans plus tard, en 1954.

> Article : « Répression sanglante à Sétif »

Été : Marcel Sanchez est démobilisé et, de retour à Oran, il reprend le travail en famille.

Sans date : Arlette Sanchez fait sa première communion à l’Église Saint-Esprit, place de la Bastille à Oran. Elle a 11 ans.



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